Interview Exclusive Rémy Dubern

Salut Rémy, tout d’abord félicitations pour ton titre de champion du monde CMAS en sans palmes et ta médaille de bronze en bi palme  et pour ton nouveau statut de père !!

Merci Stéphane, tout ça fait très plaisir, de vraies décharges de bonheur 🙂

1/ Rémy, peux tu te présenter à ceux qui ne te connaitrais pas encore ? 

Je suis un apnéiste qui a totalement sombré dans l’addiction. J’enseigne l’apnée professionnellement depuis 2011, je pratique la compétition en loisir pour mon plaisir. Et je me glisse dans les bancs de poissons ou le long des épaves chaque fois que possible.

2/ Première question, que retires-tu de ces championnats du monde ? Quelles émotions ?

D’abord une énorme surprise, et beaucoup de difficultés à réaliser ; je ne m’y attendais pas. Ensuite, surtout à travers la joie et la fierté de mon entourage j’ai fini par être très heureux. C’est une magnifique récompense pour moi qui pratique la compétition en loisir.

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La consécration !!!!

3/ On t’a suivi sur pas mal de compétions cette année, à Dahab, Blue Hole avec notamment Morgan Bourc’His et Stéphane Tourreau, les championnats de France, le NAC, les championnats du monde AIDA et CMAS ! Comment as tu abordé chacun de ces évènements et la récupération ?

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Dahab, avec Morgan Bourc’His et Miguel Lonzano

Avec beaucoup de sérénité. J’avais confiance dans ma préparation planifiée largement en amont et capitalisant sur mes essais et erreurs des années précédentes. J’ai travaillé avec un coach mental Alain Para à Toulon qui m’a beaucoup aidé. Mais surtout je me suis respecté sur chaque compétition. Je me suis autorisé à réaliser des plongées engagées lorsque je savais qu’elles étaient maîtrisées. Je n’ai rien « tenté », j’étais dans le sûr à chaque fois. Tout dans l’effort s’enchaine alors naturellement, et les sensations sont magiques. C’est cette approche que j’ai envi de transmettre en tant qu’entraineur.

4/ Tu t’es révélé au Vertical Blue en 2012 (élu jeune talent AIDA de l’année), parti t’entrainer avec Guillaume Néry durant 1 an avant de sembler un peu « piétiner » dans tes performances, avant de passer au CNF. Comment l’expliques-tu ?

Lorsque je me suis pleinement investi dans le sport à partir de 2011, tout a été très vite. L’eau est un élément dans lequel je me suis toujours senti bien, et j’ai apparemment un mode apnée physiologiquement puissant et rapide. En 2 ans j’ai progressé de 35 jusqu’à 94 mètres sans réelle difficulté, en accumulant simplement les plongées. Lors de VB aux Bahamas, j’ai réalisé en observant Guillaume et Morgan quels progrès pourraient me permettre une réelle préparation physique et du travail technique.

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Entrainement apnée avec Guillaume Néry

J’ai mis la gomme en 2013 en m’infligeant avec Guillaume un entrainement de sportif de haut niveau – jusqu’à 25 heures par semaine parfois – et en me fixant comme objectif les 3 chiffres (100m) pour ma 3° année de compétition. J’étais avide. Trop. Après un départ canon en début de saison, je me suis fatigué, blessé et mis la pression. Mes premiers championnats du monde se sont très logiquement terriblement mal passés. J’ai fait ma première syncope en immersion.

Mais chaque échec nous rapproche davantage du succès. J’ai donc décidé d’un break avec la compétition l’année dernière puis d’un retour sur une discipline différente, avec une nouvelle approche plus mature.

5/ Sara Campbell ne jure que par le yoga, Trubridge que par la pratique de l’apnée, Colak, Molchanov, Pompe par un entrainement type préparation physique. Quelle est ton approche personnelle et comment organises tu tes sessions ?

Un mix des 3 même si je crois prioritairement dans la pratique de l’apnée comme base de la préparation. Pour devenir mammifère marin et habituer son corps à supporter la pression à laquelle nous sommes exposés au fond, il faut passer du temps dans l’eau. J’ai travaillé tout l’été dans mon école à La Londe, donc j’ai été servi ! Parfois j’enfilais la combinaison et ressortais le bateau en soirée pour m’entrainer après avoir fait des sécu profondes toute la journée.

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Transmettre, entraîner en s’entrainant.

J’ai quand même complété cette base par une préparation physique s’inspirant de ce que j’avais pratiqué en 2013 avec Christophe Lyonnard le coach de Guillaume. Mais adaptée, personnalisée et allégée fort de mon expérience depuis.

Enfin depuis le départ de cette saison je me suis soigneusement tenu à l’écart de toute sorte de pression possible pour me concentrer sur mon plaisir et mes sensations. Je n’ai volontairement pas communiqué sur mes objectifs avant d’avoir réalisé mes plongées aux championnats, et surtout j’ai toujours annoncé mes performances en me fondant sur mes capacités, jamais par rapport aux chances de podium ou aux concurrents.

Je pense que c’est ce dernier ingrédient du cocktail qui m’a si bien réussi en Italie et me vaut ma médaille d’or.

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Les efforts payent !

6/ Quelle est ta routine avant un max ? Echauffement ? No warm up ? Dis nous tout !

Je n’ai pas de routine. Je déteste les routines. Je passe mon temps à essayer de me défaire de tout début de prémisse de routine. Je pense qu’elles affaiblissent le mental et ennuient.

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La relaxation avant départ.

J’ai quelques règles ou principes importants : progressivité, douceur, no warm up en fin de saison et avec prudence, focus max sur la sécurité des poumons, cultiver le plaisir de plonger, renforcer le mental, et surtout aucune contrainte. Et dans ce cadre je mixe des outils variés  au fil de mes envies et besoins.

7/ Peu d’apnéiste réussissent à vivre de leur sport. La place des sponsors est très importante. Quels sont les tiens et pourquoi as-tu choisi d’attacher ton image à la leur ? Quel matériel utilises-tu ? (Tu as eu quelques soucis avec les nose clips)

Je dirais au contraire que la place des sponsors est vraiment peu importante en apnée. Seul le trio des meilleurs mondiaux arrive à avoir de réels sponsors financiers leur permettant de se concentrer sur la compétition. Le reste des athlètes exercent un boulot à coté, arrivent à gratter péniblement au prix de longues recherches une combinaison ou une paire de palmes gratuites, se retrouvent avec un gros autocollant à placarder sur la mono et se sentent une obligation de résultat qui leur met la pression en compétition.

Personnellement j’ai toujours préféré me payer mon équipement et ne rien devoir à personne. Mais avec l’école justement, j’ai vu une possibilité de partenariat bien plus intéressante pour un sponsor, pour nos clients et pour nous. Aujourd’hui nous sommes donc fiers d’avoir signé un accord avec Marc Parnotte de Topstar, fabricant français de combinaisons sur mesure depuis 1968. Ils fournissent toutes les combinaisons de l’école, hommes, femmes et enfants. Les clients auront de super combis en néoprène Yamamoto pour leurs cours qu’ils pourront garder une fois conquis, nous aurons un parc toujours récent, et Topstar bénéficie d’une exposition bien plus large et grand public qu’en mettant un logo sur un champion. Tout le monde y gagne !

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Un partenariat TOPSTAR

Pour le reste j’essaie de rester minimaliste. En sans palme je suis ravi d’arborer en 2016 une combi nano Topstar. Coté monopalme j’ai découvert et immédiatement adopté l’année dernière une mono développée par Alexei Molchanov, à mon sens l’apnéiste le plus expert techniquement en monopalme. Elle me donne très envie de repratiquer cette discipline 😉

8/ On ne peux pas ne pas te poser la question. Ces derniers mois ont été très durs pour la communauté apnée avec la disparition de Natalia Molchanov et l’accident de Guillaume Néry qui aurait pu être fatal. Peux tu nous en parler et nous donner ton sentiment à ce sujet ?

Beaucoup a déjà été dit et écrit sur ces évènements. Je préfère ne pas m’étendre. Bien pratiquée, l’apnée est un loisir et un sport très sûr. Il est plus naturel plus simple et donc plus sûr de retenir son souffle dans l’eau que de respirer un gaz sous pression sorti d’une bouteille. J’espère simplement que la communauté des apnéistes va être capable de tirer les leçons de ces deux accidents pour continuer à rendre notre sport toujours plus sûr.

9/ On sait qu’il y a des tensions entre la Fédération et AIDA, pourtant quelques compétiteurs semblent jouer un rôle de pont d’entente comme toi, Stéphane Tourreau ou Poggi. Quel est ton sentiment à ce sujet ?

Je suis effectivement sans étiquette. J’ai à cœur la satisfaction de mes clients, le développement de l’apnée et mon plaisir.

AIDA représente un standard mondial et historique pour la profondeur et en France la FFESM offre des cursus particulièrement adaptés à la découverte de l’apnée en général et à l’évolution vers de l’encadrement et de la pédagogie au sein des clubs. A la demande des apnéistes, mon école propose donc les deux cursus et je suis MEF2 et AIDA Instructeur Trainer. Pour aller au bout de cette démarche je propose avec B-A des cursus d’Instructeurs centrés sur une pédagogie de l’apnée faisant la synergie du meilleur de chaque approche. A la fin de ces formations le candidat qui remplit tous les critères requis a le choix de repartir avec un diplôme AIDA, une prépa MEF1, ou les deux !

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Le meilleur des 2 mondes, sans distinctions mais toujours en sécurité.

Pour ma part j’aime plonger profond. Je suis donc ravi que la Commission Nationale Apnée FFESSM s’investisse depuis plusieurs années sur la profondeur et vienne offrir des opportunités complémentaires pour pratiquer notre sport. En totale transparence avec AIDA j’ai donc soutenu cette démarche depuis le début. Je pense que cette position d’ouverture est bien comprise et en retour j’ai toujours ressenti la même ouverture. Cela va dans le bon sens pour les apnéistes.

10/ Tu es un pédagogue sédentaire et itinérant. Tu as créé la structure Blue Addiction à La Londe les Maures et en Indonésie mais tu parcours le monde pour enseigner : Egypte, la Réunion, Mayotte etc. Peux tu nous présenter ta structure Blue-Addiction ? Peux-t-on espérer te voir à la Martinique ?

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L’équipe Blue Addiction, Rémy et Audrey !

Je viendrai bien sûr te voir avec plaisir en Martinique Stéphane ! Nous avons commencé itinérants uniquement, assoiffés de voyages pour découvrir le monde et amasser de l’expertise. Nous nous sédentarisons partiellement en France et en Indonésie pour pouvoir développer des bases apnée de qualité. Mais nous gardons comme volonté farouche de continuer à régulièrement aller à la rencontre des apnéistes dans les 5 océans. Le plus dur est de s’y prendre suffisamment à l’avance pour trouver une date dans le planning !

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La pédagogie de la compensation dans le monde entier (Mayotte) pour les amateurs

 

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Ou des athlètes de haut niveau : Alice Modolo

11/ Que t’apporte l ‘apnée et quels conseils peux tu donner aux pratiquants qui cherchent à progresser ?

L’apnée est bien plus qu’un sport, c’est une école de la vie aux enseignements puissants. Connaissance de soi-même, vivre l’instant présent, gestion du stress, dépassement, … Il ne faut pas la réduire à des mètres ou des secondes en plus, mais la vivre pleinement et la partager, au minimum avec un binôme formé pour assurer votre sécu !

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Le fun en toute sécurité

12/ Enfin, quelles sont les personnalités qui t’ont marqué dans le monde de l’apnée et pourquoi ?

Enzo Maiorca, pour son délice évident à toujours plonger à 80 ans passés.

Crédits photos : Photo Marc Henauer ; Daan Verhoeven ; Pascal Berger  ; Stéphane Warin

http://blue-addiction.com site De Rémy Dubern et Audrey

http://www.nitrogenic.com : site de Marc Henauer

http://www.daanverhoeven.com : site de Daan Verhoeven